Le péché
Sur sa butte que le vent gifle,
Il tourne et fauche et ronfle et siffle,
Le vieux moulin des péchés vieux
Et des forfaits astucieux.
Il geint des pieds jusqu'à la tête,
Sur fond d'orage et de tempête,
Lorsque l'automne et les nuages
Frôlent son toit de leurs voyages.
Sur la campagne abandonnée
Il apparaît une araignée
Colossale, tissant ses toiles
Jusqu'aux étoiles.
C'est le moulin des vieux péchés.
Qui l'écoute, parmi les routes,
Entend battre le coeur du diable,
Dans sa carcasse insatiable.
Un travail d'ombre et de ténèbres
S'y fait, pendant les nuits funèbres
Quand la lune fendue
Gît là, sur le carreau de l'eau,
Comme une hostie atrocement mordue.
C'est le moulin de la ruine
Qui moud le mal et le répand aux champs
Infini, comme une bruine.
Ceux qui sournoisement écornent
Le champ voisin en déplaçant les bornes ;
Ceux qui, valets d'autrui, sèment l'ivraie
Au lieu de l'orge vraie ;
Ceux qui jettent les poisons verts dans l'eau
Où l'on amène le troupeau ;
Ceux qui, par les nuits seules,
En brasiers d'or font éclater les meules,
Tous passèrent par le moulin.
Encore :
Les vieux jeteurs de sorts et les sorcières
Que vont trouver les filles-mères ;
Ceux qui cachent dans les fourrés
Leurs ruts sinistrement vociférés ;
Ceux qui n'aiment la chair que si le sang
Gicle aux yeux, frais et luisant ;
Ceux qui s'entr'égorgent, à couteaux rouges,
[...] Read more
poem by Emile Verhaeren
Added by Poetry Lover
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