Le meunier
Le vieux meunier du moulin noir,
On l'enterra, l'hiver, un soir
De froid rugueux, de bise aiguë
En un terrain de cendre et de ciguës.
Le jour dardait sa clarté fausse
Sur la bêche du fossoyeur ;
Un chien errait près de la fosse,
L'aboi tendu vers la lueur.
La bêche, à chacune des pelletées,
Telle un miroir se déplaçait,
Luisait, mordait et s'enfonçait,
Sous les terres violentées.
La fin du jour s'emplit d'ombres suspectes.
Sur fond de ciel, le fossoyeur,
Comme un énorme insecte,
Semblait lutter avec la peur ;
La bêche entre ses mains tremblait,
Le sol se crevassait
Et quoi qu'il fit, rien ne comblait
Le trou qui, devant lui,
Comme la nuit, s'élargissait.
Au village là-bas,
Personne au mort n'avait prêté deux draps.
Au village là-bas,
Nul n'avait dit une prière.
Au village là-bas,
Personne au mort n'avait sonné le glas.
Au village là-bas,
Aucun n'avait voulu clouer la bière.
Et les maisons et les chaumières
Qui regardaient le cimetière,
Pour ne point voir, étaient là toutes,
Volets fermés, le long des routes.
Le fossoyeur se sentit seul
Devant ce défunt sans linceul
Dont tous avaient gardé la haine
Et la crainte, dans les veines.
Sur sa butte morne de soir,
Le vieux meunier du moulin noir,
Jadis, avait vécu d'accord
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poem by Emile Verhaeren
Added by Poetry Lover
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