La Louange des eaux, des arbres et des dieux
Plus même un cygne errant aux herbes qu’il remue
Dans l’eau silencieuse et déserte aujourd’hui,
De l’ombre de son aile en marquant l’heure aiguë
Ne trouble les bassins où rôde son ennui.
La source souterraine où le flot pur abonde
Confond son frais cristal à leur tiède torpeur,
Et son onde secrète au lieu que vagabonde
Se disperse, s’ajoute et se mêle à la leur ;
Plutôt que d’arroser les roses riveraines,
De sourdre en les roseaux et, du soir au matin,
De chanter et de rire aux gorges des fontaines,
Elle entre au lourd sommeil des antiques bassins.
Je sais bien que, parfois, pour un faste suprême,
Le parc silencieux peut ranimer ses eaux
Et d’un fluide, clair et mouvant diadème,
Couronner sa tristesse et sacrer son repos ;
Alors s’épanouit, monte, bifurque et fuse
Le jet qui joue au ciel un clair bouquet vivant
Et, bruine, pluie éparse et poussière confuse,
S’irise aux feux du prisme et se disperse au vent.
Ce qui fut neige, éclairs, cristal et pierreries
Retombe et flotte encor sur le bassin troublé
Et bave et rôde autour des bêtes accroupies,
Béantes de l’effort où leur col s’est enflé.
Car l’eau, pour qu’elle darde, étincelle et jaillisse,
A passé par leur gorge en hoquets lumineux,
Lavant le bronze rauque et mouillant le plomb lisse
Où rampe un ventre mou près d’un dos épineux.
Je sais que pour dompter la horde fabuleuse
Qui aboie en silence et qui hurle sans voix
Et jette à leurs pieds nus sa colère écumeuse,
Il est toujours des dieux debout et l’arc aux doigts.
J’en ai vu qui dressaient sous la pluie irisée
Le sceptre, le trident, la massue et la faux
Et, divins moissonneurs de la gerbe brisée,
Cassaient d’un geste dur la tige des jets d’eaux ;
D’autres, le pied au socle ou serrés dans la gaîne
Qui porte leur stature ou qui leur monte au flanc,
Et l’un d’eux dont la course éternellement vaine
Précipitait encor son immobile élan.
[...] Read more
poem by Henri de Regnier
Added by Poetry Lover
Comment! | Vote! | Copy!
