Bacchus
Viens, ô divin Bacchus, ô jeune Thyonée,
O Dionyse, Évan, Iacchus et Lénée;
Viens, tel que tu parus aux déserts de Naxos
Quand tu vins rassurer la fille de Minos.
Le superbe éléphant, en proie à ta victoire,
Avait de ses débris formé ton char d'ivoire.
De pampres, de raisins mollement enchaîné,
Le tigre aux larges flancs de taches sillonné,
Et le lynx étoilé, la panthère sauvage,
Promenaient avec toi ta cour sur ce rivage.
L'or reluisait partout aux axes de tes chars.
Les Ménades couraient en longs cheveux épars
Et chantaient Évoé, Bacchus et Thyonée,
Et Dionyse, Évan, Iacchus et Lénée,
Et tout ce que pour toi la Grèce eut de beaux noms.
Et la voix des rochers répétait leurs chansons,
Et le rauque tambour, les sonores cymbales,
Les hautbois tortueux, et les doubles crotales
Qu'agitaient en dansant sur ton bruyant chemin
Le faune, le satyre et le jeune Sylvain,
Au hasard attroupés autour du vieux Silène,
Qui, sa coupe à la main, de la rive indienne,
Toujours ivre, toujours débile, chancelant,
Pas à pas cheminait sur son âne indolent.
poem by Andre Marie de Chenier
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Le Mendiant
C'était quand le printemps a reverdi les prés.
La fille de Lycus, vierge aux cheveux dorés,
Sous les monts Achéens, non loin de Cérynée,
Errait à l'ombre, aux bords du faible et pur Crathis,
Car les eaux du Crathis, sous des berceaux de frêne,
Entouraient de Lycus le fertile domaine.
Soudain, à l'autre bord,
Du fond d'un bois épais, un noir fantôme sort,
Tout pâle, demi-nu, la barbe hérissée:
Il remuait à peine une lèvre glacée,
Des hommes et des dieux implorait le secours,
Et dans la forêt sombre errait depuis deux jours;
Il se traîne, il n'attend qu'une mort douloureuse;
Il succombe. L'enfant, interdite et peureuse,
A ce hideux aspect sorti du fond des bois,
Veut fuir; mais elle entend sa lamentable voix.
Il tend les bras, il tombe à genoux; il lui crie
Qu'au nom de tous les dieux il la conjure, il prie,
Et qu'il n'est point à craindre, et qu'une ardente faim
L'aiguillonne et le tue, et qu'il expire enfin.
'Si, comme je le crois, belle dès ton enfance,
C'est le dieu de ces eaux qui t'a donné naissance,
Nymphe, souvent les voeux des malheureux humains
Ouvrent des immortels les bienfaisantes mains,
Ou si c'est quelque front porteur d'une couronne
Qui te nomme sa fille et te destine au trône,
Souviens-toi, jeune enfant, que le ciel quelquefois
Venge les opprimés sur la tête des rois.
Belle vierge, sans doute enfant d'une déesse,
Crains de laisser périr l'étranger en détresse:
L'étranger qui supplie est envoyé des dieux.'
Elle reste. A le voir, elle enhardit ses yeux,
. . . . . . . . et d'une voix encore
Tremblante: 'Ami, le ciel écoute qui l'implore.
Mais ce soir, quand la nuit descend sur l'horizon,
Passe le pont mobile, entre dans la maison;
J'aurai soin qu'on te laisse entrer sans méfiance.
Pour la douzième fois célébrant ma naissance,
Mon père doit donner une fête aujourd'hui.
Il m'aime, il n'a que moi: viens t'adresser à lui,
C'est le riche Lycus. Viens ce soir; il est tendre,
Il est humain: il pleure aux pleurs qu'il voit répandre.'
Elle achève ces mots, et, le coeur palpitant,
S'enfuit; car l'étranger sur elle, en l'écoutant,
Fixait de ses yeux creux l'attention avide.
Elle rentre, cherchant dans le palais splendide
L'esclave près de qui toujours ses jeunes ans
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poem by Andre Marie de Chenier
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L’Invention
O fils du Mincius, je te salue, ô toi
Par qui le dieu des arts fut roi du peuple-roi!
Et vous, à qui jadis, pour créer l'harmonie,
L'Attique et l'onde Égée, et la belle Ionie,
Donnèrent un ciel pur, les plaisirs, la beauté,
Des moeurs simples, des lois, la paix, la liberté,
Un langage sonore aux douceurs souveraines,
Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines!
Nul âge ne verra pâlir vos saints lauriers,
Car vos pas inventeurs ouvrirent les sentiers;
Et du temple des arts que la gloire environne
Vos mains ont élevé la première colonne.
A nous tous aujourd'hui, vos faibles nourrissons,
Votre exemple a dicté d'importantes leçons.
Il nous dit que nos mains, pour vous être fidèles,
Y doivent élever des colonnes nouvelles.
L'esclave imitateur naît et s'évanouit;
La nuit vient, le corps reste, et son ombre s'enfuit.
Ce n'est qu'aux inventeurs que la vie est promise.
Nous voyons les enfants de la fière Tamise,
De toute servitude ennemis indomptés;
Mieux qu'eux, par votre exemple, à vous vaincre excités,
Osons; de votre gloire éclatante et durable
Essayons d'épuiser la source inépuisable.
Mais inventer n'est pas, en un brusque abandon,
Blesser la vérité, le bon sens, la raison;
Ce n'est pas entasser, sans dessein et sans forme,
Des membres ennemis en un colosse énorme;
Ce n'est pas, élevant des poissons dans les airs,
A l'aile des vautours ouvrir le sein des mers;
Ce n'est pas sur le front d'une nymphe brillante
Hérisser d'un lion la crinière sanglante:
Délires insensés! fantômes monstrueux!
Et d'un cerveau malsain rêves tumultueux!
Ces transports déréglés, vagabonde manie,
Sont l'accès de la fièvre et non pas du génie;
D'Ormus et d'Ariman ce sont les noirs combats,
Où, partout confondus, la vie et le trépas,
Les ténèbres, le jour, la forme et la matière,
Luttent sans être unis; mais l'esprit de lumière
Fait naître en ce chaos la concorde et le jour:
D'éléments divisés il reconnaît l'amour,
Les rappelle; et partout, en d'heureux intervalles,
Sépare et met en paix les semences rivales.
Ainsi donc, dans les arts, l'inventeur est celui
Qui peint ce que chacun put sentir comme lui;
Qui, fouillant des objets les plus sombres retraites,
Étale et fait briller leurs richesses secrètes;
Qui, par des noeuds certains, imprévus et nouveaux,
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poem by Andre Marie de Chenier
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L'Aveugle
'Dieu dont l'arc est d'argent, dieu de Claros, écoute;
O Sminthée-Apollon, je périrai sans doute,
Si tu ne sers de guide à cet aveugle errant.'
C'est ainsi qu'achevait l'aveugle en soupirant,
Et près des bois marchait, faible, et sur une pierre
S'asseyait. Trois pasteurs, enfants de cette terre,
Le suivaient, accourus aux abois turbulents
Des molosses, gardiens de leurs troupeaux bêlants.
Ils avaient, retenant leur fureur indiscrète,
Protégé du vieillard la faiblesse inquiète;
Ils l'écoutaient de loin, et s'approchant de lui:
Quel est ce vieillard blanc, aveugle et sans appui?
Serait-ce un habitant de l'empire céleste?
Ses traits sont grands et fiers; de sa ceinture agreste
Pend une lyre informe; et les sons de sa voix
Émeuvent l'air et l'onde, et le ciel et les bois.'
Mais il entend leurs pas, prête l'oreille, espère,
Se trouble, et tend déjà les mains à la prière.
'Ne crains point, disent-ils, malheureux étranger,
Si plutôt, sous un corps terrestre et passager,
Tu n'es point quelque dieu protecteur de la Grèce,
Tant une grâce auguste ennoblit ta vieillesse!
Si tu n'es qu'un mortel, vieillard infortuné,
Les humains près de qui les flots t'ont amené
Aux mortels malheureux n'apportent point d'injures.
Les destins n'ont jamais de faveurs qui soient pures.
Ta voix noble et touchante est un bienfait des dieux;
Mais aux clartés du jour ils ont fermé tes yeux.
--Enfants, car votre voix est enfantine et tendre,
Vos discours sont prudents plus qu'on n'eût dû l'attendre;
Mais, toujours soupçonneux, l'indigent étranger
Croit qu'on rit de ses maux et qu'on veut l'outrager.
Ne me comparez point à la troupe immortelle:
Ces rides, ces cheveux, cette nuit éternelle,
Voyez, est-ce le front d'un habitant des cieux?
Je ne suis qu'un mortel, un des plus malheureux!
Si vous en savez un, pauvre, errant, misérable,
C'est à celui-là seul que je suis comparable;
Et pourtant je n'ai point, comme fit Thamyris,
Des chansons à Phoebus voulu ravir le prix;
Ni, livré comme Oedipe à la noire Euménide,
Je n'ai puni sur moi l'inceste parricide;
Mais les dieux tout-puissants gardaient à mon déclin
Les ténèbres, l'exil, l'indigence et la faim.
--Prends, et puisse bientôt changer ta destinée!'
Disent-ils. Et tirant ce que, pour leur journée,
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poem by Andre Marie de Chenier
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La Fée Et La Péri (The Fay And The Peri)
I
Enfants ! si vous mouriez, gardez bien qu'un esprit
De la route des cieux ne détourne votre âme !
Voici ce qu'autrefois un vieux sage m'apprit : -
Quelques démons, sauvés de l'éternelle flamme,
Rebelles moins pervers que l'Archange proscrit,
Sur la terre, où le feu, l'onde ou l'air les réclame,
Attendent, exilés, le jour de Jésus-Christ.
Il en est qui, bannis des célestes phalanges,
Ont de si douces voix qu'on les prend pour des anges.
Craignez-les : pour mille ans exclus du paradis,
Ils vous entraîneraient, enfants, au purgatoire ! -
Ne me demandez pas d'où me vient cette histoire;
Nos pères l'ont contée; et moi, je la redis.
II
LA PÉRI
Où vas-tu donc, jeune âme?... Écoute !
Mon palais pour toi veut s'ouvrir.
Suis-moi, des cieux quitte la route;
Hélas ! tu t'y perdrais sans doute,
Nouveau-né, qui viens de mourir !
Tu pourras jouer à toute heure
Dans mes beaux jardins aux fruits d'or;
Et de ma riante demeure
Tu verras ta mère qui pleure
Près de ton berceau, tiède encor.
Des Péris je suis la plus belle;
Mes sueurs règnent où naît le jour;
Je brille en leur troupe immortelle,
Comme entre les fleurs brille celle
Que l'on cueille en rêvant d'amour.
Mon front porte un turban de soie;
Mes bras de rubis sont couverts;
Quand mon vol ardent se déploie,
L'aile de pourpre qui tournoie
Roule trois yeux de flamme ouverts.
Plus blanc qu'une lointaine voile,
Mon corps n'en a point la pâleur;
En quelque lieu qu'il se dévoile,
Il l'éclaire comme une étoile,
Il l'embaume comme une fleur.
LA FÉE
Viens, bel enfant ! Je suis la Fée.
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poem by Victor Hugo
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A Le Brun Et Au Marquis De Brazais
Le Brun, qui nous attends aux rives de la Seine,
Quand un destin jaloux loin de toi nous enchaîne;
Toi, Brazais, comme moi sur ces bords appelé,
Sans qui de l'univers je vivrais exilé;
Depuis que de Pandore un regard téméraire
Versa sur les humains un trésor de misère,
Pensez-vous que du ciel l'indulgente pitié
Leur ait fait un présent plus beau que l'amitié?
Ah! si quelque mortel est né pour la connaître.
C'est nous, âmes de feu, dont l'Amour est le maître.
Le cruel trop souvent empoisonne ses coups;
Elle garde à nos coeurs ses baumes les plus doux.
Malheur au jeune enfant seul, sans ami, sans guide,
Qui près de la beauté rougit et s'intimide,
Et, d'un pouvoir nouveau lentement dominé,
Par l'appât du plaisir doucement entraîné,
Crédule, et sur la foi d'un sourire volage,
A cette mer trompeuse et se livre et s'engage!
Combien de fois, tremblant et les larmes aux yeux,
Ses cris accuseront l'inconstance des dieux!
Combien il frémira d'entendre sur sa tête
Gronder les aquilons et la noire tempête,
Et d'écueils en écueils portera ses douleurs
Sans trouver une main pour essuyer ses pleurs!
Mais heureux dont le zèle, au milieu du naufrage,
Viendra le recueillir, le pousser au rivage;
Endormir dans ses flancs le poison ennemi;
Réchauffer dans son sein le sein de son ami,
Et de son fol amour étouffer la semence,
Ou du moins dans son coeur ranimer l'espérance!
Qu'il est beau de savoir, digne d'un tel lien,
Au repos d'un ami sacrifier le sien!
Plaindre de s'immoler l'occasion ravie,
Être heureux de sa joie et vivre de sa vie!
Si le ciel a daigné d'un regard amoureux
Accueillir ma prière et sourire à mes voeux,
Je ne demande point que mes sillons avides
Boivent l'or du Pactole et ses trésors liquides;
Ni que le diamant, sur la pourpre enchaîné,
Pare mon coeur esclave au Louvre prosterné;
Ni même, voeu plus doux! que la main d'Uranie
Embellisse mon front des palmes du génie;
Mais que beaucoup d'amis, accueillis dans mes bras,
Se partagent ma vie et pleurent mon trépas;
Que ces doctes héros, dont la main de la Gloire
A consacré les noms au temple de Mémoire,
Plutôt que leurs talents, inspirent à mon coeur
Les aimables vertus qui firent leur bonheur;
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poem by Andre Marie de Chenier
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The Assembly Of Ladies
In Septembre, at the falling of the leef,
The fressh sesoun was al-togider doon,
And of the corn was gadered in the sheef;
In a gardyn, about twayn after noon,
Ther were ladyes walking, as was her wone,
Foure in nombre, as to my mynd doth falle,
And I the fifte, the simplest of hem alle.
Of gentilwomen fayre ther were also,
Disporting hem, everiche after her gyse,
In crosse-aleys walking, by two and two,
And some alone, after her fantasyes.
Thus occupyed we were in dyvers wyse;
And yet, in trouthe, we were not al alone;
Ther were knightës and squyers many one.
'Wherof I served?' oon of hem asked me;
I sayde ayein, as it fel in my thought,
'To walke about the mase, in certayntè,
As a woman that [of] nothing rought.'
He asked me ayein—'whom that I sought,
And of my colour why I was so pale?'
'Forsothe,' quod I, 'and therby lyth a tale.'
'That must me wite,' quod he, 'and that anon;
Tel on, let see, and make no tarying.'
'Abyd,' quod I, 'ye been a hasty oon,
I let you wite it is no litel thing.
But, for bicause ye have a greet longing
In your desyr, this proces for to here,
I shal you tel the playn of this matere.—
It happed thus, that, in an after-noon,
My felawship and I, by oon assent,
Whan al our other besinesse was doon,
To passe our tyme, into this mase we went,
And toke our wayes, eche after our entent;
Some went inward, and wend they had gon out,
Some stode amid, and loked al about.
And, sooth to say, some were ful fer behind,
And right anon as ferforth as the best;
Other ther were, so mased in her mind,
Al wayes were good for hem, bothe eest and west.
Thus went they forth, and had but litel rest;
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poem by Anonymous Olde English
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Le paradis
Des buissons lumineux fusaient comme des gerbes ;
Mille insectes, tels des prismes, vibraient dans l'air ;
Le vent jouait avec l'ombre des lilas clairs,
Sur le tissu des eaux et les nappes de l'herbe.
Un lion se couchait sous des branches en fleurs ;
Le daim flexible errait là-bas, près des panthères ;
Et les paons déployaient des faisceaux de lueurs
Parmi les phlox en feu et les lys de lumière.
Dieu seul régnait sur terre et seul régnait aux cieux.
Adam vivait captif en des chaînes divines ;
Eve écoutait le chant menu des sources fines,
Le sourire du monde habitait ses beaux yeux ;
Un archange tranquille et pur veillait sur elle
Et, chaque soir, quand se dardaient, là-haut, les ors,
Pour que la nuit fût douce au repos de son corps,
L'archange endormait Eve au creux de sa grande aile.
Avec de la rosée au vallon de ses seins,
Eve se réveillait, candidement, dans l'aube ;
Et l'archange séchait aux clartés de sa robe
Les longs cheveux dont Eve avait empli sa main.
L'ombre se déliait de l'étreinte des roses
Qui sommeillaient encore et s'inclinaient là-bas ;
Et le couple montait vers les apothéoses
Que le jardin sacré dressait devant ses pas.
Comme hier, comme toujours, les bêtes familières
Avec le frais soleil dormaient sur les gazons ;
Les insectes brillaient à la pointe des pierres
Et les paons lumineux rouaient aux horizons ;
Les tigres clairs, auprès des fleurs simples et douces,
Sans les blesser jamais, posaient leurs mufles roux ;
Et les bonds des chevreuils, dans l'herbe et sur la mousse,
S'entremêlaient sous le regard des lions doux ;
Rien n'avait dérangé les splendeurs de la veille.
C'était le même rythme unique et glorieux,
Le même ordre lucide et la même merveille
Et la même présence immuable de Dieu.
II
Pourtant, après des ans et puis des ans, un jour,
Eve sentit son âme impatiente et lasse
D'être à jamais la fleur sans sève et sans amour
D'un torride bonheur, monotone et tenace ;
Aux cieux planait encor l'orageuse menace
Quand le désir lui vint d'en éprouver l'éclair.
Un large et doux frisson glissa dès lors sur elle
Et, pour le ressentir jusqu'au fond de sa chair,
Eve, contre son coeur, serrait ses deux mains frêles.
L'archange, avec angoisse, interrogeait, la nuit,
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poem by Emile Verhaeren
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A propos d'Horace
Marchands de grec ! marchands de latin ! cuistres ! dogues!
Philistins ! magisters ! je vous hais, pédagogues !
Car, dans votre aplomb grave, infaillible, hébété,
Vous niez l'idéal, la grâce et la beauté !
Car vos textes, vos lois, vos règles sont fossiles !
Car, avec l'air profond, vous êtes imbéciles !
Car vous enseignez tout, et vous ignorez tout !
Car vous êtes mauvais et méchants ! -- Mon sang bout
Rien qu'à songer au temps où, rêveuse bourrique,
Grand diable de seize ans, j'étais en rhétorique !
Que d'ennuis ! de fureurs ! de bêtises ! -- gredins ! --
Que de froids châtiments et que de chocs soudains !
«Dimanche en retenue et cinq cents vers d'Horace !»
Je regardais le monstre aux ongles noirs de crasse,
Et je balbutiais : «Monsieur... -- Pas de raisons !
Vingt fois l'ode à Panclus et l'épître aux Pisons !»
Or j'avais justement, ce jour là, -- douce idée
Qui me faisait rêver d'Armide et d'Haydée, --
Un rendez-vous avec la fille du portier.
Grand Dieu ! perdre un tel jour ! le perdre tout entier !
Je devais, en parlant d'amour, extase pure !
En l'enivrant avec le ciel et la nature,
La mener, si le temps n'était pas trop mauvais,
Manger de la galette aux buttes Saint-Gervais !
Rêve heureux ! je voyais, dans ma colère bleue,
Tout cet Éden, congé, les lilas, la banlieue,
Et j'entendais, parmi le thym et le muguet,
Les vagues violons de la mère Saguet !
O douleur ! furieux, je montais à ma chambre,
Fournaise au mois de juin, et glacière en décembre ;
Et, là, je m'écriais :
-- Horace ! ô bon garçon !
Qui vivais dans le calme et selon la raison,
Et qui t'allais poser, dans ta sagesse franche,
Sur tout, comme l'oiseau se pose sur la branche,
Sans peser, sans rester, ne demandant aux dieux
Que le temps de chanter ton chant libre et joyeux !
Tu marchais, écoutant le soir, sous les charmilles,
Les rires étouffés des folles jeunes filles,
Les doux chuchotements dans l'angle obscur du bois ;
Tu courtisais ta belle esclave quelquefois,
Myrtale aux blonds cheveux, qui s'irrite et se cabre
Comme la mer creusant les golfes de Calabre,
Ou bien tu t'accoudais à la table, buvant sec
Ton vin que tu mettais toi-même en un pot grec.
Pégase te soufflait des vers de sa narine ;
Tu songeais; tu faisais des odes à Barine,
A Mécène, à Virgile, à ton champ de Tibur,
A Chloë, qui passait le long de ton vieux mur,
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poem by Victor Hugo
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Hermes
FRAGMENT I.--PROLOGUE.
Dans nos vastes cités, par le sort partagés,
Sous deux injustes lois les hommes sont rangés:
Les uns, princes et grands, d'une avide opulence
Étalent sans pudeur la barbare insolence;
Les autres, sans pudeur, vils clients de ces grands,
Vont ramper sous les murs qui cachent leurs tyrans.
Admirer ces palais aux colonnes hautaines
Dont eux-mêmes ont payé les splendeurs inhumaines,
Qu'eux-mêmes ont arrachés aux entrailles des monts,
Et tout trempés encor des sueurs de leurs fronts.
Moi, je me plus toujours, client de la nature,
A voir son opulence et bienfaisante et pure,
Cherchant loin de nos murs les temples, les palais
Où la Divinité me révèle ses traits,
Ces monts, vainqueurs sacrés des fureurs du tonnerre,
Ces chênes, ces sapins, premiers-nés de la terre.
Les pleurs des malheureux n'ont point teint ces lambris.
D'un feu religieux le saint poète épris
Cherche leur pur éther et plane sur leur cime.
Mer bruyante, la voix du poète sublime
Lutte contre les vents; et tes flots agités
Sont moins forts, moins puissants que ses vers indomptés.
A l'aspect du volcan, aux astres élancée,
Luit, vole avec l'Etna, la bouillante pensée.
Heureux qui sait aimer ce trouble auguste et grand!
Seul, il rêve en silence à la voix du torrent
Qui le long des rochers se précipite et tonne;
Son esprit en torrent et s'élance et bouillonne.
Là, je vais dans mon sein méditant à loisir
Des chants à faire entendre aux siècles à venir;
Là, dans la nuit des coeurs qu'osa sonder Homère,
Cet aveugle divin et me guide et m'éclaire.
Souvent mon vol, armé des ailes de Buffon,
Franchit avec Lucrèce, au flambeau de Newton,
La ceinture d'azur sur le globe étendue.
Je vois l'être et la vie et leur source inconnue,
Dans les fleuves d'éther tous les mondes roulants.
Je poursuis la comète aux crins étincelants,
Les astres et leurs poids, leurs formes, leurs distances;
Je voyage avec eux dans leurs cercles immenses.
Comme eux, astre, soudain je m'entoure de feux;
Dans l'éternel concert je me place avec eux:
En moi leurs doubles lois agissent et respirent:
Je sens tendre vers eux mon globe qu'ils attirent;
Sur moi qui les attire ils pèsent à leur tour.
Les éléments divers, leur haine, leur amour,
Les causes, l'infini s'ouvre à mon oeil avide.
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poem by Andre Marie de Chenier
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Reste, Reste Avec Nous
Reste, reste avec nous, ô père des bons vins!
Dieu propice, ô Bacchus! toi dont les flots divins
Versent le doux oubli de ces maux qu'on adore;
Toi, devant qui I'amour s'enfuit et s'évapore,
Comme de ce cristal aux mobiles éclairs
Tes esprits odorants s'exhalent dans les airs.
Eh bien! mes pas ont-ils refusé de vous suivre?
'Nous venons, disiez-vous, te conseiller de vivre.
Au lieu d'aller gémir, mendier des dédains,
Suis-nous, si tu le peux. La joie à nos festins
T'appelle. Viens, les fleurs ont couronné la table:
Viens, viens y consoler ton âme inconsolable.'
Vous voyez, mes amis, si de ce noble soin
Mon coeur tranquille et libre avait aucun besoin.
Camille dans mon coeur ne trouve plus des armes,
Et je l'entends nommer sans trouble, sans alarmes;
Ma pensée est loin d'elle, et je n'en parle plus;
Je crois la voir muette et le regard confus,
Pleurante. Sa beauté présomptueuse et vaine
Lui disait qu'un captif, une fois dans sa chaîne,
Ne pouvait songer... Mais, que nous font ses ennuis?
Jeune homme, apporte-nous d'autres fleurs et des fruits.
Qu'est-ce, amis? nos éclats, nos jeux se ralentissent?
Que des verres plus grands dans nos mains se remplissent!
Pourquoi vois-je languir ces vins abandonnés,
Sous le liège tenace encore emprisonnés?
Voyons si ce premier, fils de l'Andalousie,
Vaudra ceux dont Madère a formé l'ambroisie,
Ou ceux dont la Garonne enrichit ses coteaux,
Ou la vigne foulée aux pressoirs de Cîteaux.
Non, rien n'est plus heureux que le mortel tranquille
Qui, cher à ses amis, à l'amour indocile,
Parmi les entretiens, les jeux et les banquets,
Laisse couler la vie et n'y pense jamais.
Ah! qu'un front et qu'une âme à la tristesse en proie
Feignent malaisément et le rire et la joie!
Je ne sais, mais partout je l'entends, je la voi;
Son fantôme attrayant est partout devant moi;
Son nom, sa voix absente errent dans mon oreille.
Peut-être aux feux du vin que l'amour se réveille:
Sous les bosquets de Chypre, à Vénus consacrés,
Bacchus mûrit l'azur de ses pampres dorés.
J'ai peur que, pour tromper ma haine et ma vengeance,
Tous ces dieux malfaisants ne soient d'intelligence.
Du moins il m'en souvient, quand autrefois, auprès
De cette ingrate aimée, en nos festins secrets,
Je portais à la hâte à ma bouche ravie
La coupe demi-pleine à ses lèvres saisie,
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poem by Andre Marie de Chenier
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A Marie-Anne-Charlotte Corday
Quoi! tandis que partout, ou sincères ou feintes,
Des lâches, des pervers, les larmes et les plaintes
Consacrent leur Marat parmi les immortels,
Et que, prêtre orgueilleux de cette idole vile,
Des fanges du Parnasse un impudent reptile
Vomit un hymne infâme au pied de ses autels.
La vérité se tait! dans sa bouche glacée,
Des liens de la peur sa langue embarrassée
Dérobe un juste hommage aux exploits glorieux!
Vivre est-il donc si doux? De quel prix est la vie,
Quand, sous un joug honteux, la pensée asservie,
Tremblante, au fond du coeur, se cache à tous les yeux?
Non, non, je ne veux point t'honorer en silence,
Toi qui crus par ta mort ressusciter la France
Et dévouas tes jours à punir des forfaits.
Le glaive arma ton bras, fille grande et sublime,
Pour faire honte aux dieux, pour réparer leur crime,
Quand d'un homme à ce monstre ils donnèrent les traits.
Le noir serpent, sorti de sa caverne impure,
A donc vu rompre enfin sous ta main ferme et sûre
Le venimeux tissu de ses jours abhorrés!
Aux entrailles du tigre, à ses dents homicides,
Tu vins redemander et les membres livides
Et le sang des humains qu'il avait dévorés!
Son oeil mourant t'a vue, en ta superbe joie,
Féliciter ton bras et contempler ta proie.
Ton regard lui disait: 'Va, tyran furieux,
Va, cours frayer la route aux tyrans tes complices.
Te baigner dans le sang fut tes seules délices,
Baigne-toi dans le tien et reconnais des dieux.'
La Grèce, ô fille illustre! admirant ton courage,
Épuiserait Paros pour placer ton image
Auprès d'Harmodius, auprès de son ami;
Et des choeurs sur ta tombe, en une sainte ivresse,
Chanteraient Némésis, la tardive déesse,
Qui frappe le méchant sur son trône endormi.
Mais la France à la hache abandonne ta tête.
C'est au monstre égorgé qu'on prépare une fête
Parmi ses compagnons, tous dignes de son sort.
Oh! quel noble dédain fit sourire ta bouche,
Quand un brigand, vengeur de ce brigand farouche,
Crut te faire pâlir aux menaces de mort!
C'est lui qui dut pâlir, et tes juges sinistres,
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poem by Andre Marie de Chenier
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Aux proscrits
EN PLANTANT LE CHÊNE DES ÉTATS-UNIS D'EUROPE
DANS LE JARDIN DE HAUTEVILLE HOUSE
LE 14 JUILLET 1870
I
Semons ce qui demeure, ô passants que nous sommes !
Le sort est un abîme, et ses flots sont amers,
Au bord du noir destin, frères, semons des hommes,
Et des chênes au bord des mers !
Nous sommes envoyés, bannis, sur ce calvaire,
Pour être vus de loin, d'en bas, par nos vainqueurs,
Et pour faire germer par l'exemple sévère
Des coeurs semblables à nos coeurs.
Et nous avons aussi le devoir, ô nature,
D'allumer des clartés sous ton fauve sourcil,
Et de mettre à ces rocs la grande signature
De l'avenir et de l'exil.
Sachez que nous pouvons faire sortir de terre
Le chêne triomphal que l'univers attend,
Et faire frissonner dans son feuillage austère
L'idée au sourire éclatant.
La matière aime et veut que notre appel l'émeuve ;
Le globe est sous l'esprit, et le grand verbe humain
Enseigne l'être, et l'onde, et la sève, et le fleuve,
Qui lui demandent leur chemin.
L'homme, quand il commande aux flots de le connaître,
Aux mers de l'écouter dans le bruit qu'elles font,
A la terre d'ouvrir son flanc, aux temps de naître,
Est un mage immense et profond.
Ayons foi dans ce germe ! Amis, il nous ressemble.
Il sera grand et fort, puisqu'il est faible et nu.
Nous sommes ses pareils, bannis, nous en qui tremble
Tout un vaste monde inconnu !
Nous fûmes secoués d'un arbre formidable,
Un soir d'hiver, à l'heure où le monde est puni,
Nous fûmes secoués, frères, dans l'insondable,
Dans l'ouragan, dans l'infini.
Chacun de nous contient le chêne République ;
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poem by Victor Hugo
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Metamorphoses: Book The Eighth
NOW shone the morning star in bright array,
To vanquish night, and usher in the day:
The wind veers southward, and moist clouds arise,
That blot with shades the blue meridian skies.
Cephalus feels with joy the kindly gales,
His new allies unfurl the swelling sails;
Steady their course, they cleave the yielding main,
And, with a wish, th' intended harbour gain.
The Story of Mean-while King Minos, on the Attick strand,
Nisus and Displays his martial skill, and wastes the land.
Scylla His army lies encampt upon the plains,
Before Alcathoe's walls, where Nisus reigns;
On whose grey head a lock of purple hue,
The strength, and fortune of his kingdom, grew.
Six moons were gone, and past, when still from
far
Victoria hover'd o'er the doubtful war.
So long, to both inclin'd, th' impartial maid
Between 'em both her equal wings display'd.
High on the walls, by Phoebus vocal made,
A turret of the palace rais'd its head;
And where the God his tuneful harp resign'd.
The sound within the stones still lay enshrin'd:
Hither the daughter of the purple king
Ascended oft, to hear its musick ring;
And, striking with a pebble, wou'd release
Th' enchanted notes, in times of happy peace.
But now, from thence, the curious maid beheld
Rough feats of arms, and combats of the field:
And, since the siege was long, had learnt the name
Of ev'ry chief, his character, and fame;
Their arms, their horse, and quiver she descry'd,
Nor cou'd the dress of war the warriour hide.
Europa's son she knew above the rest,
And more, than well became a virgin breast:
In vain the crested morion veils his face,
She thinks it adds a more peculiar grace:
His ample shield, embost with burnish'd gold,
Still makes the bearer lovelier to behold:
When the tough jav'lin, with a whirl, he sends,
His strength and skill the sighing maid commends;
Or, when he strains to draw the circling bow,
And his fine limbs a manly posture show,
Compar'd with Phoebus, he performs so well,
Let her be judge, and Minos shall excell.
But when the helm put off, display'd to sight,
And set his features in an open light;
When, vaulting to his seat, his steed he prest,
Caparison'd in gold, and richly drest;
Himself in scarlet sumptuously array'd,
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Claire
Quoi donc ! la vôtre aussi ! la vôtre suit la mienne !
O mère au coeur profond, mère, vous avez beau
Laisser la porte ouverte afin qu'elle revienne,
Cette pierre là-bas dans l'herbe est un tombeau !
La mienne disparut dans les flots qui se mêlent ;
Alors, ce fut ton tour, Claire, et tu t'envolas.
Est-ce donc que là-haut dans l'ombre elles s'appellent,
Qu'elles s'en vont ainsi l'une après l'autre, hélas ?
Enfant qui rayonnais, qui chassais la tristesse,
Que ta mère jadis berçait de sa chanson,
Qui d'abord la charmas avec ta petitesse
Et plus tard lui remplis de clarté l'horizon,
Voilà donc que tu dors sous cette pierre grise !
Voilà que tu n'es plus, ayant à peine été !
L'astre attire le lys, et te voilà reprise,
O vierge, par l'azur, cette virginité !
Te voilà remontée au firmament sublime,
Échappée aux grands cieux comme la grive aux bois,
Et, flamme, aile, hymne, odeur, replongée à l'abîme
Des rayons, des amours, des parfums et des voix !
Nous ne t'entendrons plus rire en notre nuit noire.
Nous voyons seulement, comme pour nous bénir,
Errer dans notre ciel et dans notre mémoire
Ta figure, nuage, et ton nom, souvenir !
Pressentais-tu déjà ton sombre épithalame ?
Marchant sur notre monde à pas silencieux,
De tous les idéals tu composais ton âme,
Comme si tu faisais un bouquet pour les cieux !
En te voyant si calme et toute lumineuse,
Les coeurs les plus saignants ne haïssaient plus rien.
Tu passais parmi nous comme Ruth la glaneuse ,
Et, comme Ruth l'épi, tu ramassais le bien.
La nature, ô front pur, versait sur toi sa grâce,
L'aurore sa candeur, et les champs leur bonté ;
Et nous retrouvions, nous sur qui la douleur passe,
Toute cette douceur dans toute ta beauté !
Chaste, elle paraissait ne pas être autre chose
Que la forme qui sort des cieux éblouissants ;
Et de tous les rosiers elle semblait la rose,
Et de tous les amours elle semblait l'encens.
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poem by Victor Hugo
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Booz Endormi
Booz s'était couché de fatigue accablé ;
Il avait tout le jour travaillé dans son aire ;
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire ;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.
Ce vieillard possédait des champs de blés et d'orge ;
Il était, quoique riche, à la justice enclin ;
Il n'avait pas de fange en l'eau de son moulin ;
Il n'avait pas d'enfer dans le feu de sa forge.
Sa barbe était d'argent comme un ruisseau d'avril.
Sa gerbe n'était point avare ni haineuse ;
Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse :
- Laissez tomber exprès des épis, disait-il.
Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,
Vêtu de probité candide et de lin blanc ;
Et, toujours du côté des pauvres ruisselant,
Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques.
Booz était bon maître et fidèle parent ;
Il était généreux, quoiqu'il fût économe ;
Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune homme,
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.
Le vieillard, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants ;
Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière.
Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens ;
Près des meules, qu'on eût prises pour des décombres,
Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres ;
Et ceci se passait dans des temps très anciens.
Les tribus d'Israël avaient pour chef un juge ;
La terre, où l'homme errait sous la tente, inquiet
Des empreintes de pieds de géants qu'il voyait,
Etait mouillée encore et molle du déluge.
Comme dormait Jacob, comme dormait Judith,
Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée ;
Or, la porte du ciel s'étant entre-bâillée
Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.
Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne
Qui, sorti de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu ;
Une race y montait comme une longue chaîne ;
Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu.
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poem by Victor Hugo
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Au Chevalier De Pange
Quand la feuille en festons a couronné les bois,
L'amoureux rossignol n'étouffe point sa voix.
Il serait criminel aux yeux de la nature
Si, de ses dons heureux négligeant la culture,
Sur son triste rameau, muet dans ses amours,
Il laissait sans chanter expirer les beaux jours.
Et toi, rebelle aux dons d'une si tendre mère,
Dégoûté de poursuivre une muse étrangère
Dont tu choisis la cour trop bruyante pour toi,
Tu t'es fait du silence une coupable loi!
Tu naquis rossignol. Pourquoi, loin du bocage
Où des jeunes rosiers le balsamique ombrage
Eût redit tes doux sons sans murmure écoutés,
T'en allais-tu chercher la muse des cités,
Cette muse, d'éclat, de pourpre environnée,
Qui, le glaive à la main, du diadème ornée,
Vient au peuple assemblé, d'une dolente voix,
Pleurer les grands malheurs, les empires, les rois?
Que n'étais-tu fidèle à ces muses tranquilles
Qui cherchent la fraîcheur des rustiques asiles,
Le front ceint de lilas et de jasmins nouveaux,
Et vont sur leurs attraits consulter les ruisseaux?
Viens dire à leurs concerts la beauté qui te brûle.
Amoureux, avec l'âme et la voix de Tibulle
Fuirais-tu les hameaux, ce séjour enchanté
Qui rend plus séduisant l'éclat de la beauté?
L'amour aime les champs, et les champs l'ont vu naître.
La fille d'un pasteur, une vierge champêtre,
Dans le fond d'une rose, un matin du printemps,
Le trouva nouveau-né....
Le sommeil entr'ouvrait ses lèvres colorées.
Elle saisit le bout de ses ailes dorées,
L'ôta de son berceau d'une timide main,
Tout trempé de rosée, et le mit dans son sein.
Tout, mais surtout les champs sont restés son empire.
Là tout aime, tout plaît, tout jouit, tout soupire;
Là de plus beaux soleils dorent l'azur des cieux;
Là les prés, les gazons, les bois harmonieux,
De mobiles ruisseaux la colline animée,
L'âme de mille fleurs dans les zéphyrs semée;
Là parmi les oiseaux l'amour vient se poser;
Là sous les antres frais habite le baiser.
Les muses et l'amour ont les mêmes retraites.
L'astre qui fait aimer est l'astre des poètes.
Bois, écho, frais zéphyrs, dieux champêtres et doux,
Le génie et les vers se plaisent parmi vous.
J'ai choisi parmi vous ma muse jeune et chère;
Et, bien qu'entre ses soeurs elle soit la dernière,
Elle plaît. Mes amis, vos yeux en sont témoins.
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poem by Andre Marie de Chenier
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Ami, Chez Nos Francois
Ami, chez nos Français ma muse voudrait plaire;
Mais j'ai fui la satire à leurs regards si chère.
Le superbe lecteur, toujours content de lui,
Et toujours plus content s'il peut rire d'autrui,
Veut qu'un nom imprévu, dont l'aspect le déride,
Égayé au bout du vers une rime perfide;
Il s'endort si quelqu'un ne pleure quand il rit.
Mais qu'Horace et sa troupe irascible d'esprit
Daignent me pardonner, si jamais ils pardonnent:
J'estime peu cet art, ces leçons qu'ils nous donnent
D'immoler bien un sot qui jure en son chagrin,
Au rire âcre et perçant d'un caprice malin.
Le malheureux déjà me semble assez à plaindre
D'avoir, même avant lui, vu sa gloire s'éteindre
Et son livre au tombeau lui montrer le chemin,
Sans aller, sous la terre au trop fertile sein,
Semant sa renommée et ses tristes merveilles,
Faire à tous les roseaux chanter quelles oreilles
Sur sa tête ont dressé leurs sommets et leurs poids.
Autres sont mes plaisirs. Soit, comme je le crois,
Que d'une débonnaire et généreuse argile
On ait pétri mon âme innocente et facile;
Soit, comme ici, d'un oeil caustique et médisant,
En secouant le front, dira quelque plaisant,
Que le ciel, moins propice, enviât à ma plume
D'un sel ingénieux la piquante amertume,
J'en profite à ma gloire, et je viens devant toi
Mépriser les raisins qui sont trop hauts pour moi.
Aux reproches sanglants d'un vers noble et sévère
Ce pays toutefois offre une ample matière:
Soldats tyrans du peuple obscur et gémissant,
Et juges endormis aux cris de l'innocent;
Ministres oppresseurs, dont la main détestable
Plonge au fond des cachots la vertu redoutable.
Mais, loin qu'ils aient senti la fureur de nos vers,
Nos vers rampent en foule aux pieds de ces pervers,
Qui savent bien payer d'un mépris légitime
Le lâche qui pour eux feint d'avoir quelque estime.
Certe, un courage ardent qui s'armerait contre eux
Serait utile au moins s'il était dangereux;
Non d'aller, aiguisant une vaine satire,
Chercher sur quel poète on a droit de médire;
Si tel livre deux fois ne s'est pas imprimé,
Si tel est mal écrit, tel autre mal rimé.
Ainsi donc, sans coûter de larmes à personne,
A mes goûts innocents, ami, je m'abandonne.
Mes regards vont errant sur mille et mille objets.
Sans renoncer aux vieux, plein de nouveaux projets,
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poem by Andre Marie de Chenier
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O Jours De Mon Printemps
O jours de mon printemps, jours couronnés de rose,
A votre fuite en vain un long regret s'oppose,
Beaux jours, quoique souvent obscurcis de mes pleurs,
Vous dont j'ai su jouir même au sein des douleurs,
Sur ma tête bientôt vos fleurs seront fanées,
Hélas! bientôt le flux des rapides années
Vous aura loin de moi fait voler sans retour.
Oh! si du moins alors je pouvais à mon tour,
Champêtre possesseur, dans mon humble chaumière
Offrir à mes amis une ombre hospitalière;
Voir mes lares charmés, pour les bien recevoir,
A de joyeux banquets la nuit les faire asseoir;
Et là nous souvenir, au milieu de nos fêtes,
Combien chez eux longtemps, dans leurs belles retraites,
Soit sur ces bords heureux, opulents avec choix,
Où Montigny s'enfonce en ses antiques bois,
Soit où la Marne lente, en un long cercle d'îles,
Ombrage de bosquets l'herbe et les prés fertiles,
J'ai su, pauvre et content, savourer à longs traits
Les muses, les plaisirs, et l'étude et la paix!
Qui ne sait être pauvre est né pour l'esclavage.
Qu'il serve donc les grands, les flatte, les ménage;
Qu'il plie, en approchant de ces superbes fronts,
Sa tête à la prière, et son âme aux affronts,
Pour qu'il puisse, enrichi de ces affronts utiles,
Enrichir à son tour quelques têtes serviles.
De ses honteux trésors je ne suis point jaloux.
Une pauvreté libre est un trésor si doux!
Il est si doux, si beau de s'être fait soi-même;
De devoir tout à soi, tout aux beaux-arts qu'on aime;
Vraie abeille en ses dons, en ses soins, en ses moeurs,
D'avoir su se bâtir, des dépouilles des fleurs,
Sa cellule de cire, industrieux asile
Où l'on coule une vie innocente et facile;
De ne point vendre aux grands ses hymnes avilis;
De n'offrir qu'aux talents de vertus ennoblis,
Et qu'à l'amitié douce et qu'aux douces faiblesses,
D'un encens libre et pur les honnêtes caresses!
Ainsi l'on dort tranquille, et, dans son saint loisir,
Devant son propre coeur on n'a point à rougir.
Si le sort ennemi m'assiège et me désole,
On pleure; mais bientôt la tristesse s'envole,
Et les arts, dans un coeur de leur amour rempli,
Versent de tous les maux l'indifférent oubli.
Les délices des arts ont nourri mon enfance.
Tantôt, quand d'un ruisseau, suivi dès sa naissance,
La nymphe aux pieds d'argent a sous de longs berceaux
Fait serpenter ensemble et mes pas et ses eaux,
Ma main donne au papier, sans travail, sans étude,
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poem by Andre Marie de Chenier
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Sur la mer
Larges voiles au vent, ainsi que des louanges,
La proue ardente et fière et les haubans vermeils,
Le haut navire apparaissait, comme un archange
Vibrant d'ailes qui marcherait, dans le soleil.
La neige et l'or étincelaient sur sa carène ;
Il étonnait le jour naissant, quand il glissait
Sur le calme de l'eau prismatique et sereine ;
Les mirages, suivant son vol, se déplaçaient.
On ne savait de quelle éclatante Norvège
Le navire, jadis, avait pris son élan,
Ni depuis quand, pareil aux archanges de neige,
Il étonnait les flots de son miracle blanc.
Mais les marins des mers de cristal et d'étoiles
Contaient son aventure avec de tels serments,
Que nul n'osait nier qu'on avait vu ses voiles,
Depuis toujours, joindre la mer aux firmaments.
Sa fuite au loin ou sa présence vagabonde
Hallucinant les caps et les îles du Nord
Et le futur des temps et le passé du monde
Passaient, devant les yeux, quand on narrait son sort.
Au temps des rocs sacrés et des croyances frustes,
Il avait apporté la légende et les dieux,
Dans les tabliers d'or de ses voiles robustes
Gonflés d'espace immense et de vent radieux.
Les apôtres chrétiens avaient nimbé de gloire
Son voyage soudain, vers le pays du gel,
Quand s'avançait, de promontoire en promontoire,
Leur culte jeune à la conquête des autels.
Les pensers de la Grèce et les ardeurs de Rome,
Pour se répandre au coeur des peuples d'Occident,
S'étaient mêlés, ainsi que des grappes d'automne,
A son large espalier de cordages ardents.
Et quand sur l'univers plana quatre-vingt-treize
Livide et merveilleux de foudre et de combats,
Le vol du temps frôla de ses ailes de braise
L'orgueil des pavillons et l'audace des mâts.
Ainsi, de siècle en siècle, au cours fougueux des âges,
Il emplissait d'espoir les horizons amers,
Changeant ses pavillons, changeant ses équipages,
Mais éternel dans son voyage autour des mers.
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poem by Emile Verhaeren
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Hymne A La Justice
A LA FRANCE
France! ô belle contrée, ô terre généreuse,
Que les dieux complaisants formaient pour être heureuse,
Tu ne sens point du nord les glaçantes horreurs,
Le midi de ses feux t'épargne les fureurs.
Tes arbres innocents n'ont point d'ombres mortelles;
Ni des poisons épars dans tes herbes nouvelles
Ne trompent une main crédule; ni tes bois
Des tigres frémissants ne redoutent la voix;
Ni les vastes serpents ne traînent sur tes plantes
En longs cercles hideux leurs écailles sonnantes.
Les chênes, les sapins et les ormes épais
En utiles rameaux ombragent tes sommets,
Et de Beaune et d'Aï les rives fortunées,
Et la riche Aquitaine, et les hauts Pyrénées,
Sous leurs bruyants pressoirs font couler en ruisseaux
Des vins délicieux mûris sur leurs coteaux.
La Provence odorante et de Zéphire aimée
Respire sur les mers une haleine embaumée,
Au bord des flots couvrant, délicieux trésor,
L'orange et le citron de leur tunique d'or,
Et plus loin, au penchant des collines pierreuses,
Forme la grasse olive aux liqueurs savoureuses,
Et ces réseaux légers, diaphanes habits,
Où la fraîche grenade enferme ses rubis.
Sur tes rochers touffus la chèvre se hérisse,
Tes prés enflent de lait la féconde génisse,
Et tu vois tes brebis, sur le jeune gazon,
Épaissir le tissu de leur blanche toison.
Dans les fertiles champs voisins de la Touraine,
Dans ceux où l'Océan boit l'urne de la Seine,
S'élèvent pour le frein des coursiers belliqueux.
Ajoutez cet amas de fleuves tortueux:
L'indomptable Garonne aux vagues insensées,
Le Rhône impétueux, fils des Alpes glacées,
La Seine au flot royal, la Loire dans son sein
Incertaine, et la Saône, et mille autres enfin
Qui, nourrissant partout, sur tes nobles rivages,
Fleurs, moissons et vergers, et bois et pâturages,
Rampent au pied des murs d'opulentes cités
Sous les arches de pierre à grand bruit emportés.
Dirai-je ces travaux, source de l'abondance,
Ces ports où des deux mers l'active bienfaisance
Amène les tributs du rivage lointain
Que visite Phoebus le soir ou le matin?
Dirai-je ces canaux, ces montagnes percées,
De bassins en bassins ces ondes amassées
Pour joindre au pied des monts l'une et l'autre Téthys,
Et ces vastes chemins en tous lieux départis,
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poem by Andre Marie de Chenier
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