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Victor Hugo

Ce que dit la bouche d'ombre (II)

Espérez ! espérez ! espérez, misérables !
Pas de deuil infini, pas de maux incurables,
Pas d'enfer éternel !
Les douleurs vont à Dieu, comme la flèche aux cibles ;
Les bonnes actions sont les gonds invisibles
De la porte du ciel.

Le deuil est la vertu, le remords est le pôle
Des monstres garrottés dont le gouffre est la geôle ;
Quand, devant Jéhovah,
Un vivant reste pur dans les ombres charnelles,
La mort, ange attendri, rapporte ses deux ailes
A l'homme qui s'en va.

Les enfers se refont édens ; c'est là leur tâche.
Tout globe est un oiseau que le mal tient et lâche.
Vivants, je vous le dis,
Les vertus, parmi vous, font ce labeur auguste
D'augmenter sur vos fronts le ciel ; quiconque est juste
Travaille au paradis.

L'heure approche. Espérez. Rallumez l'âme éteinte !
Aimez-vous ! aimez-vous ! car c'est la chaleur sainte,
C'est le feu du vrai jour.
Le sombre univers, froid, glacé, pesant, réclame
La sublimation de l'être par la flamme,
De l'homme par l'amour !

Déjà, dans l'océan d'ombre que Dieu domine,
L'archipel ténébreux des bagnes s'illumine ;
Dieu, c'est le grand aimant ;
Et les globes, ouvrant leur sinistre prunelle,
Vers les immensités de l'aurore éternelle
Se tournent lentement.

Oh ! comme vont chanter toutes les harmonies,
Comme rayonneront dans les sphères bénies
Les faces de clarté,
Comme les firmaments se fondront en délires,
Comme tressailleront toutes les grandes lyres
De la sérénité,

Quand, du monstre matière ouvrant toutes les serres,
Faisant évanouir en splendeurs les misères,
Changeant l'absinthe en miel,
Inondant de beauté la nuit diminuée,
Ainsi que le soleil tire à lui la nuée
Et l'emplit d'arcs-en-ciel,

Dieu, de son regard fixe attirant les ténèbres,

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L'Aveugle

'Dieu dont l'arc est d'argent, dieu de Claros, écoute;
O Sminthée-Apollon, je périrai sans doute,
Si tu ne sers de guide à cet aveugle errant.'

C'est ainsi qu'achevait l'aveugle en soupirant,
Et près des bois marchait, faible, et sur une pierre
S'asseyait. Trois pasteurs, enfants de cette terre,
Le suivaient, accourus aux abois turbulents
Des molosses, gardiens de leurs troupeaux bêlants.
Ils avaient, retenant leur fureur indiscrète,
Protégé du vieillard la faiblesse inquiète;
Ils l'écoutaient de loin, et s'approchant de lui:
Quel est ce vieillard blanc, aveugle et sans appui?
Serait-ce un habitant de l'empire céleste?
Ses traits sont grands et fiers; de sa ceinture agreste
Pend une lyre informe; et les sons de sa voix
Émeuvent l'air et l'onde, et le ciel et les bois.'

Mais il entend leurs pas, prête l'oreille, espère,
Se trouble, et tend déjà les mains à la prière.
'Ne crains point, disent-ils, malheureux étranger,
Si plutôt, sous un corps terrestre et passager,
Tu n'es point quelque dieu protecteur de la Grèce,
Tant une grâce auguste ennoblit ta vieillesse!
Si tu n'es qu'un mortel, vieillard infortuné,
Les humains près de qui les flots t'ont amené
Aux mortels malheureux n'apportent point d'injures.
Les destins n'ont jamais de faveurs qui soient pures.
Ta voix noble et touchante est un bienfait des dieux;
Mais aux clartés du jour ils ont fermé tes yeux.

--Enfants, car votre voix est enfantine et tendre,
Vos discours sont prudents plus qu'on n'eût dû l'attendre;
Mais, toujours soupçonneux, l'indigent étranger
Croit qu'on rit de ses maux et qu'on veut l'outrager.
Ne me comparez point à la troupe immortelle:
Ces rides, ces cheveux, cette nuit éternelle,
Voyez, est-ce le front d'un habitant des cieux?
Je ne suis qu'un mortel, un des plus malheureux!
Si vous en savez un, pauvre, errant, misérable,
C'est à celui- seul que je suis comparable;
Et pourtant je n'ai point, comme fit Thamyris,
Des chansons à Phoebus voulu ravir le prix;
Ni, livré comme Oedipe à la noire Euménide,
Je n'ai puni sur moi l'inceste parricide;
Mais les dieux tout-puissants gardaient à mon déclin
Les ténèbres, l'exil, l'indigence et la faim.

--Prends, et puisse bientôt changer ta destinée!'
Disent-ils. Et tirant ce que, pour leur journée,

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L’Invention

O fils du Mincius, je te salue, ô toi
Par qui le dieu des arts fut roi du peuple-roi!
Et vous, à qui jadis, pour créer l'harmonie,
L'Attique et l'onde Égée, et la belle Ionie,
Donnèrent un ciel pur, les plaisirs, la beauté,
Des moeurs simples, des lois, la paix, la liberté,
Un langage sonore aux douceurs souveraines,
Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines!
Nul âge ne verra pâlir vos saints lauriers,
Car vos pas inventeurs ouvrirent les sentiers;
Et du temple des arts que la gloire environne
Vos mains ont élevé la première colonne.
A nous tous aujourd'hui, vos faibles nourrissons,
Votre exemple a dicté d'importantes leçons.
Il nous dit que nos mains, pour vous être fidèles,
Y doivent élever des colonnes nouvelles.
L'esclave imitateur naît et s'évanouit;
La nuit vient, le corps reste, et son ombre s'enfuit.

Ce n'est qu'aux inventeurs que la vie est promise.
Nous voyons les enfants de la fière Tamise,
De toute servitude ennemis indomptés;
Mieux qu'eux, par votre exemple, à vous vaincre excités,
Osons; de votre gloire éclatante et durable
Essayons d'épuiser la source inépuisable.
Mais inventer n'est pas, en un brusque abandon,
Blesser la vérité, le bon sens, la raison;
Ce n'est pas entasser, sans dessein et sans forme,
Des membres ennemis en un colosse énorme;
Ce n'est pas, élevant des poissons dans les airs,
A l'aile des vautours ouvrir le sein des mers;
Ce n'est pas sur le front d'une nymphe brillante
Hérisser d'un lion la crinière sanglante:
Délires insensés! fantômes monstrueux!
Et d'un cerveau malsain rêves tumultueux!
Ces transports déréglés, vagabonde manie,
Sont l'accès de la fièvre et non pas du génie;
D'Ormus et d'Ariman ce sont les noirs combats,
, partout confondus, la vie et le trépas,
Les ténèbres, le jour, la forme et la matière,
Luttent sans être unis; mais l'esprit de lumière
Fait naître en ce chaos la concorde et le jour:
D'éléments divisés il reconnaît l'amour,
Les rappelle; et partout, en d'heureux intervalles,
Sépare et met en paix les semences rivales.
Ainsi donc, dans les arts, l'inventeur est celui
Qui peint ce que chacun put sentir comme lui;
Qui, fouillant des objets les plus sombres retraites,
Étale et fait briller leurs richesses secrètes;
Qui, par des noeuds certains, imprévus et nouveaux,

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Victor Hugo

Claire

Quoi donc ! la vôtre aussi ! la vôtre suit la mienne !
O mère au coeur profond, mère, vous avez beau
Laisser la porte ouverte afin qu'elle revienne,
Cette pierre -bas dans l'herbe est un tombeau !

La mienne disparut dans les flots qui se mêlent ;
Alors, ce fut ton tour, Claire, et tu t'envolas.
Est-ce donc que là-haut dans l'ombre elles s'appellent,
Qu'elles s'en vont ainsi l'une après l'autre, hélas ?

Enfant qui rayonnais, qui chassais la tristesse,
Que ta mère jadis berçait de sa chanson,
Qui d'abord la charmas avec ta petitesse
Et plus tard lui remplis de clarté l'horizon,

Voilà donc que tu dors sous cette pierre grise !
Voilà que tu n'es plus, ayant à peine été !
L'astre attire le lys, et te voilà reprise,
O vierge, par l'azur, cette virginité !

Te voilà remontée au firmament sublime,
Échappée aux grands cieux comme la grive aux bois,
Et, flamme, aile, hymne, odeur, replongée à l'abîme
Des rayons, des amours, des parfums et des voix !


Nous ne t'entendrons plus rire en notre nuit noire.
Nous voyons seulement, comme pour nous bénir,
Errer dans notre ciel et dans notre mémoire
Ta figure, nuage, et ton nom, souvenir !

Pressentais-tu déjà ton sombre épithalame ?
Marchant sur notre monde à pas silencieux,
De tous les idéals tu composais ton âme,
Comme si tu faisais un bouquet pour les cieux !

En te voyant si calme et toute lumineuse,
Les coeurs les plus saignants ne haïssaient plus rien.
Tu passais parmi nous comme Ruth la glaneuse ,
Et, comme Ruth l'épi, tu ramassais le bien.

La nature, ô front pur, versait sur toi sa grâce,
L'aurore sa candeur, et les champs leur bonté ;
Et nous retrouvions, nous sur qui la douleur passe,
Toute cette douceur dans toute ta beauté !

Chaste, elle paraissait ne pas être autre chose
Que la forme qui sort des cieux éblouissants ;
Et de tous les rosiers elle semblait la rose,
Et de tous les amours elle semblait l'encens.

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Hermes

FRAGMENT I.--PROLOGUE.

Dans nos vastes cités, par le sort partagés,
Sous deux injustes lois les hommes sont rangés:
Les uns, princes et grands, d'une avide opulence
Étalent sans pudeur la barbare insolence;
Les autres, sans pudeur, vils clients de ces grands,
Vont ramper sous les murs qui cachent leurs tyrans.
Admirer ces palais aux colonnes hautaines
Dont eux-mêmes ont payé les splendeurs inhumaines,
Qu'eux-mêmes ont arrachés aux entrailles des monts,
Et tout trempés encor des sueurs de leurs fronts.

Moi, je me plus toujours, client de la nature,
A voir son opulence et bienfaisante et pure,
Cherchant loin de nos murs les temples, les palais
Où la Divinité me révèle ses traits,
Ces monts, vainqueurs sacrés des fureurs du tonnerre,
Ces chênes, ces sapins, premiers-nés de la terre.
Les pleurs des malheureux n'ont point teint ces lambris.
D'un feu religieux le saint poète épris
Cherche leur pur éther et plane sur leur cime.
Mer bruyante, la voix du poète sublime
Lutte contre les vents; et tes flots agités
Sont moins forts, moins puissants que ses vers indomptés.
A l'aspect du volcan, aux astres élancée,
Luit, vole avec l'Etna, la bouillante pensée.
Heureux qui sait aimer ce trouble auguste et grand!
Seul, il rêve en silence à la voix du torrent
Qui le long des rochers se précipite et tonne;
Son esprit en torrent et s'élance et bouillonne.
, je vais dans mon sein méditant à loisir
Des chants à faire entendre aux siècles à venir;
, dans la nuit des coeurs qu'osa sonder Homère,
Cet aveugle divin et me guide et m'éclaire.
Souvent mon vol, armé des ailes de Buffon,
Franchit avec Lucrèce, au flambeau de Newton,
La ceinture d'azur sur le globe étendue.
Je vois l'être et la vie et leur source inconnue,
Dans les fleuves d'éther tous les mondes roulants.
Je poursuis la comète aux crins étincelants,
Les astres et leurs poids, leurs formes, leurs distances;
Je voyage avec eux dans leurs cercles immenses.
Comme eux, astre, soudain je m'entoure de feux;
Dans l'éternel concert je me place avec eux:
En moi leurs doubles lois agissent et respirent:
Je sens tendre vers eux mon globe qu'ils attirent;
Sur moi qui les attire ils pèsent à leur tour.
Les éléments divers, leur haine, leur amour,
Les causes, l'infini s'ouvre à mon oeil avide.

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Le Mendiant

C'était quand le printemps a reverdi les prés.
La fille de Lycus, vierge aux cheveux dorés,
Sous les monts Achéens, non loin de Cérynée,

Errait à l'ombre, aux bords du faible et pur Crathis,
Car les eaux du Crathis, sous des berceaux de frêne,
Entouraient de Lycus le fertile domaine.
Soudain, à l'autre bord,
Du fond d'un bois épais, un noir fantôme sort,
Tout pâle, demi-nu, la barbe hérissée:
Il remuait à peine une lèvre glacée,
Des hommes et des dieux implorait le secours,
Et dans la forêt sombre errait depuis deux jours;
Il se traîne, il n'attend qu'une mort douloureuse;
Il succombe. L'enfant, interdite et peureuse,
A ce hideux aspect sorti du fond des bois,
Veut fuir; mais elle entend sa lamentable voix.
Il tend les bras, il tombe à genoux; il lui crie
Qu'au nom de tous les dieux il la conjure, il prie,
Et qu'il n'est point à craindre, et qu'une ardente faim
L'aiguillonne et le tue, et qu'il expire enfin.

'Si, comme je le crois, belle dès ton enfance,
C'est le dieu de ces eaux qui t'a donné naissance,
Nymphe, souvent les voeux des malheureux humains
Ouvrent des immortels les bienfaisantes mains,
Ou si c'est quelque front porteur d'une couronne
Qui te nomme sa fille et te destine au trône,
Souviens-toi, jeune enfant, que le ciel quelquefois
Venge les opprimés sur la tête des rois.
Belle vierge, sans doute enfant d'une déesse,
Crains de laisser périr l'étranger en détresse:
L'étranger qui supplie est envoyé des dieux.'

Elle reste. A le voir, elle enhardit ses yeux,
. . . . . . . . et d'une voix encore
Tremblante: 'Ami, le ciel écoute qui l'implore.
Mais ce soir, quand la nuit descend sur l'horizon,
Passe le pont mobile, entre dans la maison;
J'aurai soin qu'on te laisse entrer sans méfiance.
Pour la douzième fois célébrant ma naissance,
Mon père doit donner une fête aujourd'hui.
Il m'aime, il n'a que moi: viens t'adresser à lui,
C'est le riche Lycus. Viens ce soir; il est tendre,
Il est humain: il pleure aux pleurs qu'il voit répandre.'
Elle achève ces mots, et, le coeur palpitant,
S'enfuit; car l'étranger sur elle, en l'écoutant,
Fixait de ses yeux creux l'attention avide.
Elle rentre, cherchant dans le palais splendide
L'esclave près de qui toujours ses jeunes ans

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Le paradis

Des buissons lumineux fusaient comme des gerbes ;
Mille insectes, tels des prismes, vibraient dans l'air ;
Le vent jouait avec l'ombre des lilas clairs,
Sur le tissu des eaux et les nappes de l'herbe.
Un lion se couchait sous des branches en fleurs ;
Le daim flexible errait -bas, près des panthères ;
Et les paons déployaient des faisceaux de lueurs
Parmi les phlox en feu et les lys de lumière.
Dieu seul régnait sur terre et seul régnait aux cieux.
Adam vivait captif en des chaînes divines ;
Eve écoutait le chant menu des sources fines,
Le sourire du monde habitait ses beaux yeux ;
Un archange tranquille et pur veillait sur elle
Et, chaque soir, quand se dardaient, là-haut, les ors,
Pour que la nuit fût douce au repos de son corps,
L'archange endormait Eve au creux de sa grande aile.

Avec de la rosée au vallon de ses seins,
Eve se réveillait, candidement, dans l'aube ;
Et l'archange séchait aux clartés de sa robe
Les longs cheveux dont Eve avait empli sa main.
L'ombre se déliait de l'étreinte des roses
Qui sommeillaient encore et s'inclinaient -bas ;
Et le couple montait vers les apothéoses
Que le jardin sacré dressait devant ses pas.
Comme hier, comme toujours, les bêtes familières
Avec le frais soleil dormaient sur les gazons ;
Les insectes brillaient à la pointe des pierres
Et les paons lumineux rouaient aux horizons ;
Les tigres clairs, auprès des fleurs simples et douces,
Sans les blesser jamais, posaient leurs mufles roux ;
Et les bonds des chevreuils, dans l'herbe et sur la mousse,
S'entremêlaient sous le regard des lions doux ;
Rien n'avait dérangé les splendeurs de la veille.
C'était le même rythme unique et glorieux,
Le même ordre lucide et la même merveille
Et la même présence immuable de Dieu.

II

Pourtant, après des ans et puis des ans, un jour,
Eve sentit son âme impatiente et lasse
D'être à jamais la fleur sans sève et sans amour
D'un torride bonheur, monotone et tenace ;
Aux cieux planait encor l'orageuse menace
Quand le désir lui vint d'en éprouver l'éclair.
Un large et doux frisson glissa dès lors sur elle
Et, pour le ressentir jusqu'au fond de sa chair,
Eve, contre son coeur, serrait ses deux mains frêles.
L'archange, avec angoisse, interrogeait, la nuit,

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Victor Hugo

A propos d'Horace

Marchands de grec ! marchands de latin ! cuistres ! dogues!
Philistins ! magisters ! je vous hais, pédagogues !
Car, dans votre aplomb grave, infaillible, hébété,
Vous niez l'idéal, la grâce et la beauté !
Car vos textes, vos lois, vos règles sont fossiles !
Car, avec l'air profond, vous êtes imbéciles !
Car vous enseignez tout, et vous ignorez tout !
Car vous êtes mauvais et méchants ! -- Mon sang bout
Rien qu'à songer au temps , rêveuse bourrique,
Grand diable de seize ans, j'étais en rhétorique !
Que d'ennuis ! de fureurs ! de bêtises ! -- gredins ! --
Que de froids châtiments et que de chocs soudains !
«Dimanche en retenue et cinq cents vers d'Horace !»
Je regardais le monstre aux ongles noirs de crasse,
Et je balbutiais : «Monsieur... -- Pas de raisons !
Vingt fois l'ode à Panclus et l'épître aux Pisons !»
Or j'avais justement, ce jour là, -- douce idée
Qui me faisait rêver d'Armide et d'Haydée, --
Un rendez-vous avec la fille du portier.
Grand Dieu ! perdre un tel jour ! le perdre tout entier !
Je devais, en parlant d'amour, extase pure !
En l'enivrant avec le ciel et la nature,
La mener, si le temps n'était pas trop mauvais,
Manger de la galette aux buttes Saint-Gervais !
Rêve heureux ! je voyais, dans ma colère bleue,
Tout cet Éden, congé, les lilas, la banlieue,
Et j'entendais, parmi le thym et le muguet,
Les vagues violons de la mère Saguet !
O douleur ! furieux, je montais à ma chambre,
Fournaise au mois de juin, et glacière en décembre ;
Et, , je m'écriais :

-- Horace ! ô bon garçon !
Qui vivais dans le calme et selon la raison,
Et qui t'allais poser, dans ta sagesse franche,
Sur tout, comme l'oiseau se pose sur la branche,
Sans peser, sans rester, ne demandant aux dieux
Que le temps de chanter ton chant libre et joyeux !
Tu marchais, écoutant le soir, sous les charmilles,
Les rires étouffés des folles jeunes filles,
Les doux chuchotements dans l'angle obscur du bois ;
Tu courtisais ta belle esclave quelquefois,
Myrtale aux blonds cheveux, qui s'irrite et se cabre
Comme la mer creusant les golfes de Calabre,
Ou bien tu t'accoudais à la table, buvant sec
Ton vin que tu mettais toi-même en un pot grec.
Pégase te soufflait des vers de sa narine ;
Tu songeais; tu faisais des odes à Barine,
A Mécène, à Virgile, à ton champ de Tibur,
A Chloë, qui passait le long de ton vieux mur,

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Victor Hugo

La Fée Et La Péri (The Fay And The Peri)

I

Enfants ! si vous mouriez, gardez bien qu'un esprit
De la route des cieux ne détourne votre âme !
Voici ce qu'autrefois un vieux sage m'apprit : -
Quelques démons, sauvés de l'éternelle flamme,
Rebelles moins pervers que l'Archange proscrit,
Sur la terre, où le feu, l'onde ou l'air les réclame,
Attendent, exilés, le jour de Jésus-Christ.
Il en est qui, bannis des célestes phalanges,
Ont de si douces voix qu'on les prend pour des anges.
Craignez-les : pour mille ans exclus du paradis,
Ils vous entraîneraient, enfants, au purgatoire ! -
Ne me demandez pas d'où me vient cette histoire;
Nos pères l'ont contée; et moi, je la redis.


II

LA PÉRI
vas-tu donc, jeune âme?... Écoute !
Mon palais pour toi veut s'ouvrir.
Suis-moi, des cieux quitte la route;
Hélas ! tu t'y perdrais sans doute,
Nouveau-né, qui viens de mourir !
Tu pourras jouer à toute heure
Dans mes beaux jardins aux fruits d'or;
Et de ma riante demeure
Tu verras ta mère qui pleure
Près de ton berceau, tiède encor.
Des Péris je suis la plus belle;
Mes sueurs règnent naît le jour;
Je brille en leur troupe immortelle,
Comme entre les fleurs brille celle
Que l'on cueille en rêvant d'amour.
Mon front porte un turban de soie;
Mes bras de rubis sont couverts;
Quand mon vol ardent se déploie,
L'aile de pourpre qui tournoie
Roule trois yeux de flamme ouverts.
Plus blanc qu'une lointaine voile,
Mon corps n'en a point la pâleur;
En quelque lieu qu'il se dévoile,
Il l'éclaire comme une étoile,
Il l'embaume comme une fleur.


LA FÉE

Viens, bel enfant ! Je suis la Fée.

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Victor Hugo

Aux proscrits

EN PLANTANT LE CHÊNE DES ÉTATS-UNIS D'EUROPE

DANS LE JARDIN DE HAUTEVILLE HOUSE

LE 14 JUILLET 1870


I

Semons ce qui demeure, ô passants que nous sommes !
Le sort est un abîme, et ses flots sont amers,
Au bord du noir destin, frères, semons des hommes,
Et des chênes au bord des mers !

Nous sommes envoyés, bannis, sur ce calvaire,
Pour être vus de loin, d'en bas, par nos vainqueurs,
Et pour faire germer par l'exemple sévère
Des coeurs semblables à nos coeurs.

Et nous avons aussi le devoir, ô nature,
D'allumer des clartés sous ton fauve sourcil,
Et de mettre à ces rocs la grande signature
De l'avenir et de l'exil.

Sachez que nous pouvons faire sortir de terre
Le chêne triomphal que l'univers attend,
Et faire frissonner dans son feuillage austère
L'idée au sourire éclatant.

La matière aime et veut que notre appel l'émeuve ;
Le globe est sous l'esprit, et le grand verbe humain
Enseigne l'être, et l'onde, et la sève, et le fleuve,
Qui lui demandent leur chemin.

L'homme, quand il commande aux flots de le connaître,
Aux mers de l'écouter dans le bruit qu'elles font,
A la terre d'ouvrir son flanc, aux temps de naître,
Est un mage immense et profond.

Ayons foi dans ce germe ! Amis, il nous ressemble.
Il sera grand et fort, puisqu'il est faible et nu.
Nous sommes ses pareils, bannis, nous en qui tremble
Tout un vaste monde inconnu !

Nous fûmes secoués d'un arbre formidable,
Un soir d'hiver, à l'heure où le monde est puni,
Nous fûmes secoués, frères, dans l'insondable,
Dans l'ouragan, dans l'infini.

Chacun de nous contient le chêne République ;

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Con Voi

Mia cara, voglio farvi sapere

Qualcosa che è molto importante per me,

E qualcosa che può essere

Molto importante per lei,

Se apprezzi il mio amore solo

Come valore di tuo.

Mia cara, sono stato con voi per

Come posso ricordare.

Mi ricordo quando eravamo bambini,

E i nostri genitori erano vicini,

E siamo stati vicini, come pure,

Naturalmente

E i nostri genitori sarebbero pianificare 'gioco-date'

Come chiamati li allora e ancora adesso,

E c'era molto di più ad esso.

Si, tua sorella e tuo fratello sarebbe venuto sopra,

E potrebbe appendere fuori con mio fratello, mia sorella e me.

Ricordo che pensavo che le ragazze erano lorde,

E voi, vorrei evitare

E hai pensato che avevo una malattia,

Così sarebbe evitare me, troppo.

Ma, dopo un paio di settimane,

Siamo diventati amici,

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Guillaume Apollinaire

Vendémiaire

Hommes de l'avenir souvenez-vous de moi
Je vivais à l'époque finissaient les rois
Tour à tour ils mouraient silencieux et tristes
Et trois fois courageux devenaient trismégistes

Que Paris était beau à la fin de septembre
Chaque nuit devenait une vigne où les pampres
Répandaient leur clarté sur la ville et là-haut
Astres mûrs becquetés par les ivres oiseaux
De ma gloire attendaient la vendange de l'aube

Un soir passant le long des quais déserts et sombres
En rentrant à Auteuil j'entendis une voix
Qui chantait gravement se taisant quelquefois
Pour que parvînt aussi sur les bords de la Seine
La plainte d'autres voix limpides et lointaines

Et j'écoutai longtemps tous ces chants et ces cris
Qu'éveillait dans la nuit la chanson de Paris

J'ai soif villes de France et d'Europe et du monde
Venez toutes couler dans ma gorge profonde

Je vis alors que déjà ivre dans la vigne
Paris Vendangeait le raisin le plus doux de la terre
Ces grains miraculeux qui aux treilles chantèrent

Et Rennes répondit avec Quimper et Vannes
Nous voici ô Paris Nos maisons nos habitants
Ces grappes de nos sens qu'enfanta le soleil
Se sacrifient pour te désaltérer trop avide merveille
Nous t'apportons tous les cerveaux les cimetières les murailles
Ces berceaux pleins de cris que tu n'entendras pas
Et d'amont en aval nos pensées ô rivières
Les oreilles des écoles et nos mains rapprochées
Aux doigts allongés nos mains les clochers

Et nous t'apportons aussi cette souple raison
Que le mystère clôt comme une porte la maison
Ce mystère courtois de la galanterie
Ce mystère fatal fatal d'une autre vie
Double raison qui est au-delà de la beauté
Et que la Grèce n'a pas connue ni l'Orient
Double raison de la Bretagne lame à lame
L'océan châtre peu à peu l'ancien continent

Et les villes du Nord répondirent gaiement

Ô Paris nous voici boissons vivantes
Les viriles cités dégoisent et chantent

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Victor Hugo

A Villequier

Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres,
Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux ;
Maintenant que je suis sous les branches des arbres,
Et que je puis songer à la beauté des cieux ;

Maintenant que du deuil qui m'a fait l'âme obscure
Je sors, pâle et vainqueur,
Et que je sens la paix de la grande nature
Qui m'entre dans le cœur ;

Maintenant que je puis, assis au bord des ondes,
Emu par ce superbe et tranquille horizon,
Examiner en moi les vérités profondes
Et regarder les fleurs qui sont dans le gazon ;

Maintenant, ô mon Dieu ! que j'ai ce calme sombre
De pouvoir désormais
Voir de mes yeux la pierre où je sais que dans l'ombre
Elle dort pour jamais ;

Maintenant qu'attendri par ces divins spectacles,
Plaines, forêts, rochers, vallons, fleuve argenté,
Voyant ma petitesse et voyant vos miracles,
Je reprends ma raison devant l'immensité ;

Je viens à vous, Seigneur, père auquel il faut croire ;
Je vous porte, apaisé,
Les morceaux de ce cœur tout plein de votre gloire
Que vous avez brisé ;

Je viens à vous, Seigneur ! confessant que vous êtes
Bon, clément, indulgent et doux, ô Dieu vivant !
Je conviens que vous seul savez ce que vous faites,
Et que l'homme n'est rien qu'un jonc qui tremble au vent ;

Je dis que le tombeau qui sur les morts se ferme
Ouvre le firmament ;
Et que ce qu'ici-bas nous prenons pour le terme
Est le commencement ;

Je conviens à genoux que vous seul, père auguste,
Possédez l'infini, le réel, l'absolu ;
Je conviens qu'il est bon, je conviens qu'il est juste
Que mon cœur ait saigné, puisque Dieu l'a voulu !

Je ne résiste plus à tout ce qui m'arrive
Par votre volonté.
L'âme de deuils en deuils, l'homme de rive en rive,
Roule à l'éternité.

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Victor Hugo

Chanson des oiseaux

Vie ! ô bonheur ! bois profonds,
Nous vivons.
L'essor sans fin nous réclame ;
Planons sur l'air et les eaux !
Les oiseaux
Sont de la poussière d'âme.

Accourez, planez ! volons
Aux vallons,
A l'antre, à l'ombre, à l'asile !
Perdons-nous dans cette mer
De l'éther
Où la nuée est une île !

Du fond des rocs et des joncs,
Des donjons,
Des monts que le jour embrase,
Volons, et, frémissants, fous,
Plongeons-nous
Dans l'inexprimable extase !

Oiseaux, volez aux clochers,
Aux rochers,
Au précipice, à la cime,
Aux glaciers, aux lacs, aux prés ;
Savourez
La liberté de l'abîme!

Vie ! azur ! rayons ! frissons !
Traversons
La vaste gaîté sereine,
Pendant que sur les vivants,
Dans les vents,
L'ombre des nuages traîne !

Avril ouvre à deux battants
Le printemps ;
L'été le suit, et déploie
Sur la terre un beau tapis
Fait d'épis,
D'herbe, de fleurs, et de joie.

Buvons, mangeons ; becquetons
Les festons
De la ronce et de la vigne ;
Le banquet dans la forêt
Est tout prêt ;
Chaque branche nous fait signe.

Les pivoines sont en feu ;

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La Liberte

UN CHEVRIER, UN BERGER


LE CHEVRIER

Berger, quel es-tu donc? qui t'agite? et quels dieux
De noirs cheveux épars enveloppent tes yeux?

LE BERGER

Blond pasteur de chevreaux, oui, tu veux me l'apprendre:
Oui, ton front est plus beau, ton regard est plus tendre.

LE CHEVRIER

Quoi! tu sors de ces monts tu n'as vu que toi,
Et qu'on n'approche point sans peine et sans effroi?

LE BERGER

Tu te plais mieux sans doute au bois, à la prairie;
Tu le peux. Assieds-toi parmi l'herbe fleurie:
Moi, sous un antre aride, en cet affreux séjour,
Je me plais sur le roc à voir passer le jour.

LE CHEVRIER

Mais Cérès a maudit cette terre âpre et dure;
Un noir torrent pierreux y roule une onde impure;
Tous ces rocs, calcinés sous un soleil rongeur,
Brûlent et font hâter les pas du voyageur.
Point de fleurs, point de fruits, nul ombrage fertile
N'y donne au rossignol un balsamique asile.
Quelque olivier au loin, maigre fécondité,
Y rampe et fait mieux voir leur triste nudité.
Comment as-tu donc su d'herbes accoutumées
Nourrir dans ce désert tes brebis affamées?

LE BERGER

Que m'importe! est-ce à moi qu'appartient ce troupeau?
Je suis esclave.

LE CHEVRIER

Au moins un rustique pipeau
A-t-il chassé l'ennui de ton rocher sauvage?
Tiens, veux-tu cette flûte? Elle fut mon ouvrage.
Prends: sur ce buis, fertile en agréables sons,
Tu pourras des oiseaux imiter les chansons.

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A Le Brun Et Au Marquis De Brazais

Le Brun, qui nous attends aux rives de la Seine,
Quand un destin jaloux loin de toi nous enchaîne;
Toi, Brazais, comme moi sur ces bords appelé,
Sans qui de l'univers je vivrais exilé;
Depuis que de Pandore un regard téméraire
Versa sur les humains un trésor de misère,
Pensez-vous que du ciel l'indulgente pitié
Leur ait fait un présent plus beau que l'amitié?

Ah! si quelque mortel est né pour la connaître.
C'est nous, âmes de feu, dont l'Amour est le maître.
Le cruel trop souvent empoisonne ses coups;
Elle garde à nos coeurs ses baumes les plus doux.
Malheur au jeune enfant seul, sans ami, sans guide,
Qui près de la beauté rougit et s'intimide,
Et, d'un pouvoir nouveau lentement dominé,
Par l'appât du plaisir doucement entraîné,
Crédule, et sur la foi d'un sourire volage,
A cette mer trompeuse et se livre et s'engage!
Combien de fois, tremblant et les larmes aux yeux,
Ses cris accuseront l'inconstance des dieux!
Combien il frémira d'entendre sur sa tête
Gronder les aquilons et la noire tempête,
Et d'écueils en écueils portera ses douleurs
Sans trouver une main pour essuyer ses pleurs!
Mais heureux dont le zèle, au milieu du naufrage,
Viendra le recueillir, le pousser au rivage;
Endormir dans ses flancs le poison ennemi;
Réchauffer dans son sein le sein de son ami,
Et de son fol amour étouffer la semence,
Ou du moins dans son coeur ranimer l'espérance!
Qu'il est beau de savoir, digne d'un tel lien,
Au repos d'un ami sacrifier le sien!
Plaindre de s'immoler l'occasion ravie,
Être heureux de sa joie et vivre de sa vie!

Si le ciel a daigné d'un regard amoureux
Accueillir ma prière et sourire à mes voeux,
Je ne demande point que mes sillons avides
Boivent l'or du Pactole et ses trésors liquides;
Ni que le diamant, sur la pourpre enchaîné,
Pare mon coeur esclave au Louvre prosterné;
Ni même, voeu plus doux! que la main d'Uranie
Embellisse mon front des palmes du génie;
Mais que beaucoup d'amis, accueillis dans mes bras,
Se partagent ma vie et pleurent mon trépas;
Que ces doctes héros, dont la main de la Gloire
A consacré les noms au temple de Mémoire,
Plutôt que leurs talents, inspirent à mon coeur
Les aimables vertus qui firent leur bonheur;

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Guillaume Apollinaire

Le larron

CHOUR
Maraudeur étranger malheureux malhabile
Voleur voleur que ne demandais-tu ces fruits
Mais puisque tu as faim que tu es en exil
Il pleure il est barbare et bon pardonnez-lui

LARRON
Je confesse le vol des fruits doux des fruits mûrs
Mais ce n'est pas l'exil que je viens simuler
Et sachez que j'attends de moyennes tortures
Injustes si je rends tout ce que j'ai volé

VIEILLARD
Issu de l'écume des mers comme Aphrodite
Sois docile puisque tu es beau Naufragé
Vois les sages te font des gestes socratiques
Vous parlerez d'amour quand il aura mangé

CHOUR
Maraudeur étranger malhabile et malade
Ton père fut un sphinx et ta mère une nuit
Qui charma de lueurs Zacinthe et les Cyclades
As-tu feint d'avoir faim quand tu volas les fruits

LARRON
Possesseurs de fruits mûrs que dirai-je aux insultes
Ouïr ta voix ligure en nénie ô maman
Puisqu'ils n'eurent enfin la pubère et l'adulte
De prétexte sinon de s'aimer nuitamment

Il y avait des fruits tout ronds comme des âmes
Et des amandes de pomme de pin jonchaient
Votre jardin marin j'ai laissé mes rames
Et mon couteau punique au pied de ce pêcher

Les citrons couleur d'huile et à saveur d'eau froide
Pendaient parmi les fleurs des citronniers tordus
Les oiseaux de leur bec ont blessé vos grenades
Et presque toutes les figues étaient fendues

L'ACTEUR
Il entra dans la salle aux fresques qui figurent
L'inceste solaire et nocturne dans les nues
Assieds-toi là pour mieux ouïr les voix ligures
Au son des cinyres des Lydiennes nues

Or les hommes ayant des masques de théâtre
Et les femmes ayant des colliers pendait
La pierre prise au foie d'un vieux coq de Tanagre
Parlaient entre eux le langage de la Chaldée

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La ville

Du fond des brumes,
Avec tous ses étages en voyage
Jusques au ciel, vers de plus hauts étages,
Comme d'un rêve, elle s'exhume.

-bas,
Ce sont des ponts musclés de fer,
Lancés, par bonds, à travers l'air ;
Ce sont des blocs et des colonnes
Que décorent Sphinx et Gorgones ;
Ce sont des tours sur des faubourgs ;
Ce sont des millions de toits
Dressant au ciel leurs angles droits :
C'est la ville tentaculaire,
Debout,
Au bout des plaines et des domaines.

Des clartés rouges
Qui bougent
Sur des poteaux et des grands mâts,
Même à midi, brûlent encor
Comme des oeufs de pourpre et d'or ;
Le haut soleil ne se voit pas :
Bouche de lumière, fermée
Par le charbon et la fumée.

Un fleuve de naphte et de poix
Bat les môles de pierre et les pontons de bois ;
Les sifflets crus des navires qui passent
Hurlent de peur dans le brouillard ;
Un fanal vert est leur regard
Vers l'océan et les espaces.

Des quais sonnent aux chocs de lourds fourgons ;
Des tombereaux grincent comme des gonds ;
Des balances de fer font choir des cubes d'ombre
Et les glissent soudain en des sous-sols de feu ;
Des ponts s'ouvrant par le milieu,
Entre les mâts touffus dressent des gibets sombres
Et des lettres de cuivre inscrivent l'univers,
Immensément, par à travers
Les toits, les corniches et les murailles,
Face à face, comme en bataille.

Et tout là-bas, passent chevaux et roues,
Filent les trains, vole l'effort,
Jusqu'aux gares, dressant, telles des proues
Immobiles, de mille en mille, un fronton d'or.
Des rails ramifiés y descendent sous terre
Comme en des puits et des cratères

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Guillaume Apollinaire

Les collines

Au-dessus de Paris un jour
Combattaient deux grands avions
L'un était rouge et l'autre noir
Tandis qu'au zénith flamboyait
L'éternel avion solaire
L'un était toute ma jeunesse
Et l'autre c'était l'avenir
Ils se combattaient avec rage
Ainsi fit contre Lucifer
L'Archange aux ailes radieuses
Ainsi le calcul au problème
Ainsi la nuit contre le jour
Ainsi attaque ce que j'aime
Mon amour ainsi l'ouragan
Déracine l'arbre qui crie
Mais vois quelle douceur partout
Paris comme une jeune fille
S'éveille langoureusement
Secoue sa longue chevelure
Et chante sa belle chanson
Où donc est tombée ma jeunesse
Tu vois que flambe l'avenir
Sache que je parle aujourd'hui
Pour annoncer au monde entier
Qu'enfin estl'art de prédire
Certains hommes sont des collines
Qui s'élèvent d'entre les hommes
Et voient au loin tout l'avenir
Mieux que s'il était le présent
Plus net que s'il était passé
Ornement des temps et des routes
Passe et dure sans t'arrêter
Laissons sibiler les serpents
En vain contre le vent du sud
Les Psylles et l'onde ont péri
Ordre des temps si les machines
Se prenaient enfin à penser
Sur les plages de pierreries
Des vagues d'or se briseraient
L'écume serait mère encore
Moins haut que l'homme vont les aigles
C'est lui qui fait la joie des mers
Comme il dissipe dans les airs
L'ombre et les spleens vertigineux
Par où l'esprit rejoint le songe
Voici le temps de la magie
Il s'en revient attendez-vous
À des milliards de prodiges
Qui n'ont fait naître aucune fable
Nul les ayant imaginés

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Victor Hugo

Ecrit en 1827

I

Je suis triste quand je vois l'homme.
Le vrai décroît dans les esprits.
L'ombre qui jadis noya Rome
Commence à submerger Paris.

Les rois sournois, de peur des crises,
Donnent aux peuples un calmant.
Ils font des boîtes à surprises
Qu'ils appellent charte et serment.

Hélas ! nos anges sont vampires ;
Notre albâtre vaut le charbon ;
Et nos meilleurs seraient les pires
D'un temps qui ne serait pas bon.

Le juste ment, le sage intrigue ;
Notre douceur, triste semblant,
N'est que la peur de la fatigue
Qu'on aurait d'être violent.

Notre austérité frelatée
N'admet ni Hampden ni Brutus ;
Le syllogisme de l'athée
Est à l'aise dans nos vertus.

Sur l'honneur mort la honte flotte.
On voit, prompt à prendre le pli,
Se recomposer en ilote
Le Spartiate démoli.

Le ciel blêmit ; les fronts végètent ;
Le pain du travailleur est noir ;
Et des prêtres insulteurs jettent
De la fange avec l'encensoir.

C'est à peine, ô sombres années !
Si les yeux de l'homme obscurcis,
L'aube et la raison condamnées,
Obtiennent de l'ombre un sursis.

Le passé règne ; il nous menace ;
Le trône est son premier sujet ;
Apre, il remet sa dent tenace
Sur l'esprit humain qu'il rongeait.

Le prince est bonhomme ; la rue
Est pourtant sanglante. - Bravo !
Dit Dracon. - La royauté grue

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Victor Hugo

Charles Vacquerie

Il ne sera pas dit que ce jeune homme, ô deuil !
Se sera de ses mains ouvert l'affreux cercueil
séjourne l'ombre abhorrée,
Hélas ! et qu'il aura lui-même dans la mort
De ses jours généreux, encor pleins jusqu'au bord,
Renversé la coupe dorée,

Et que sa mère, pâle et perdant la raison,
Aura vu rapporter au seuil de sa maison,
Sous un suaire aux plis funèbres,
Ce fils, naguère encor pareil au jour qui naît,
Maintenant blème et froid, tel que la mort venait
De le faire pour les ténèbres ;

Il ne sera pas dit qu'il sera mort ainsi,
Qu'il aura, coeur profond et par l'amour saisi,
Donné sa vie à ma colombe,
Et qu'il l'aura suivie au lieu morne et voilé,
Sans que la voix du père à genoux ait parlé
A cet âme dans cette tombe !

En présence de tant d'amour et de vertu,
Il ne sera pas dit que je me serai tu,
Moi qu'attendent les maux sans nombre !
Que je n'aurai point mis sur sa bière un flambeau,
Et que je n'aurai pas devant son noir tombeau
Fait asseoir une strophe sombre !

N'ayant pu la sauver, il a voulu mourir.
Sois béni, toi qui, jeune, à l'âge vient s'offrir
L'espérance joyeuse encore,
Pouvant rester, survivre, épuiser tes printemps,
Ayant devant les yeux l'azur de tes vingt ans
Et le sourire de l'aurore,

A tout ce que promet la jeunesse, aux plaisirs,
Aux nouvelles amours, aux oublieux désirs
Par qui toute peine est bannie,
A l'avenir, trésor des jours à peine éclos,
A la vie, au soleil, préféras sous les flots
L'étreinte de cette agonie !

Oh ! quelle sombre joie à cet être charmant
De se voir embrassée au suprême moment,
Par ton doux désespoir fidèle !
La pauvre âme a souri dans l'angoisse, en sentant
A travers l'eau sinistre et l'effroyable instant
Que tu t'en venais avec elle !

Leurs âmes se parlaient sous les vagues rumeurs.

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